Source : Cegos
Teams, Adobe Connect, Zoom, Webex … certains d’entre nous connaissaient à peine ces outils il y a un an, et les voilà familiers de notre quotidien ! Si 2020 nous a bien confirmé une idée que nous avions déjà, c’est qu’aucun outil, aussi perfectionné et intuitif soit-il, ne porte en lui de solution pédagogique.
La pensée commune sur la conception des dispositifs blended (mixtes), alliant distanciel et présentiel, était de réserver :
-l’acquisition de connaissance aux modules elearning et vidéos
-l’expérimentation et pratique au présentiel et/ou à la réalisation de projets sur le terrain
-et les interactions avec les autres au présentiel et à la communauté apprenante, généralement initiée à l’occasion du présentiel.
2020 et sa bascule au tout distanciel sont venus chambouler cette vision. Il y a 20 ans, l’équipe du Centre de recherche sur les technologies avancées d’apprentissage (CALT – centre de recherche de l’INSEAD) situait la classe virtuelle entre « absorption de contenus » et « apprendre avec les autres ». De fait, en 2020, nous avons suscité des interactions, partages de représentations et d’expériences, via des sous-groupes en classe virtuelle. Mais nous avons aussi fait jouer des simulations, réaliser des études de cas, des recherches et mises en commun d’informations, des résolutions de problèmes, des séances de créativité …
2020 nous a conforté dans l’idée que l’axe clé d’un dispositif n’était pas tant l’axe présentiel/distanciel que l’axe synchrone/asynchrone.
« On peut aujourd’hui affirmer non seulement qu’il n’y a pas de pédagogie sans digital, mais également pas de digital sans pédagogie », écrit Philippe Carré (Pourquoi et comment les adultes apprennent, Dunod, 2020).
Dans la définition donnée par Marcel Lebrun (2011), reprise par Philippe Carré dans son récent ouvrage précité, « Nous entendons par dispositif un ensemble cohérent constitué de ressources, de stratégies, de méthodes et d’acteurs interagissant dans un contexte donné pour atteindre un but. Le but du dispositif pédagogique est (…) de permettre à quelqu’un d’apprendre quelque chose ».
Prenons comme hypothèse qu’un dispositif efficace intègre les trois modes d’apprentissage identifiés par le CALT :
2020 nous aura simplement appris à tirer le meilleur de la classe virtuelle, et à mieux l’intégrer dans nos dispositifs.
Lors de la période qui a succédé au premier confinement, j’ai eu l’opportunité d’animer en présentiel. Quelle joie de retrouver les participants en chair et en os ! De se voir, même masqués, de plaisanter, de changer de sujets à la pause …
Denis Cristol, dans Organismes de formation, s’adapter ne suffit plus (ELEARNINGLETTER, 4/12/2020) déplore la perte des vertus du groupe en classe virtuelle : « le soutien incarné du groupe est complètement distendu ; le collectif n’en n’est plus un ; son essence qui passe par les corps, les respirations, l’énergie palpable qui circule, la proxémie, les jeux de regard, les déplacements… ».
Oui, il y a une perte de la qualité de la communication, c’est indéniable, puisque l’on sait qu’une bonne partie passe par le non verbal et le paraverbal. Oui les interactions cognitives sont largement privilégiées. Or en 1992, Jacques Leplat (cité par Philippe Carré, op. cit.) constatait « qu’il n’y a pas que des aspects cognitifs dans la formation, mais aussi des aspects affectifs, d’attitude, de motivation ».
Donc, personne ne pense que le tout à distance va devenir la règle en formation. Comme l’indique mon ancien collègue et ami Laurent Reich dans son billet 10 prédictions pour l’apprentissage en 2021, nous avons à repenser ce qui fait que nous avons à être ensemble pour apprendre.
J’ai constaté que des groupes qui avaient démarré leur formation en présentiel, et la poursuivait en distanciel après le confinement, maintenait leur capacité d’entraide, et j’ai assisté à de très belles séquences de coaching entre pairs en classe virtuelle ! J’ai vu aussi un groupe très bien démarrer en formation à distance, générant spontanément et d’emblée des lieux virtuels de partages de ressources.
Il nous faut être attentifs, et privilégier, par les situations d’apprentissages et les outils que nous mettons à disposition, la création de liens, la collaboration, l’entraide.
Si 2020 nous a rappelés que nous sommes des êtres sociaux, nés pour apprendre avec d’autres, alors tant mieux.
Le tutorat, à distance ou non, l’animation de communauté d’apprenants, vont devenir des incontournables des dispositifs de formation. Cela doit inciter les organismes de formation, et leurs clients, à repenser le modèle de la formation du coût en formation. Celui-ci doit prendre en compte et rémunérer ces temps qui ne se situent pas dans les phases synchrones et groupales de la formation.
Une fois passé le rush de la formation aux outils, c’est toute la chaîne des métiers de la formation qui doit se repositionner et questionner ses pratiques.
Par Mathilde Bourdat
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